mardi 17 juin 2014

Morwenna de Jo Walton


Editions : Denoël
Collection : Lunes d'encre
Date de parution : 10/04/2014
Prix : 21,50 €
352 pages 

Morwenna Phelps, qui préfère qu'on l'appelle Mori, est placée par son père dans l'école privée d'Arlinghurst, où elle se remet du terrible accident qui l'a laissée handicapée et l'a privée à jamais de sa sœur jumelle, Morganna. Là, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres de science-fiction. Delany, Zelazny, Le Guin et Silverberg peuplent ses journées, la passionnent. 
Un jour, elle reçoit par la poste une photo qui la bouleverse, où sa silhouette a été brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est une sorcière, sa propre mère qui plus est? Elle peut chercher dans les livres le courage de combattre. 
Ode à la différence, journal intime d'une adolescente qui parle aux fées, Morwenna est aussi une plongée inquiétante dans le folklore gallois. Ce roman touchant et bouleversant a été récompensé par les deux plus grands prix littéraires de la science-fiction : le prix Hugo et le prix Nebula. Il a en outre reçu le British Fantasy Award.

J'ai mis ci-dessus la 4ème de couverture, pourtant je dois dire que je ne la trouve pas forcement représentative du livre, mais cela dépend sans doute de notre implication de lecture. Morwenna, c'est quoi ou plutôt c'est qui ? C'est une jeune Galloise qui tente de se reconstruire après le décès tragique de sa jumelle dû à un accident qui l'a laissé elle-même handicapée, pour cela elle se noie littéralement dans les romans de science-fiction. Le roman est un hymne aux romans SFFF des années 70. Sous la forme d'un journal intime, Morwenna nous fait partager son regard sur elle, la société et surtout les romans SF.
« Ce qui m'a toujours plu dans la science-fiction, c'est qu'elle vous fait réfléchir et regarder les choses sous des angles auxquels vous n'auriez jamais penser. »

 Son quotidien est affûté par toutes ces lectures ingurgitées, son handicap lui donne du temps pour lire, ne pouvant participer aux cours d'éducations sportives. Morwenna peine à trouver sa place dans cette école « anglaise » d'Arlinghurst, elle n'arrive pas à s'intégrer ni à comprendre les codes qui constituent le quotidien de ce pensionnat. La bibliothèque de l'école ne la rassasie pas, celle-ci n'étant pas assez fournie en littérature SF, elle se dirige alors vers la bibliothèque municipale à laquelle elle se rend tous les samedis et où elle peut commander des livres dans d'autres bibliothèques ( le prêt entre bibliothèques ! ), jusqu'à ce qu'elle soit conviée à rejoindre un club de lecteurs SF, où elle va enfin trouver des interlocuteurs qui seront à même de la comprendre et de partager ses nombreuses lectures. Mais Morwenna doit également se battre contre la sorcellerie de sa mère, qu'elle a d'ailleurs tenté de fuir après le décès de sa sœur, c'est pourquoi elle se retrouve dans cette école privée, loin de son Pays de Galles natal, sous la tutelle de son père qu'elle n'a jamais connu et de ses tantes pour lesquelles elle nourrit une vive méfiance.

Je peux vous le dire dès maintenant, ce livre sera un roman culte pour moi. Je sais très bien qu'il résonne en moi peut-être plus qu'en d'autres lecteurs, probablement qu'une autre vie ne m'aurait pas fait autant aimer ce livre. Mais voilà, ce livre, je l'aime, pourtant il m'a beaucoup affecté, m'a infligé plus de tourments qu'aucun autre livre, mais il sonne tellement juste...
« Si elle avait vécu, nous serions devenues des personnes différentes. Je crois. Je ne crois pas que nous aurions été comme les tantes et que nous serions restées ensemble tout le temps. Je pense que nous aurions toujours été amies, mais nous aurions habité des lieux différents et nous aurions eu des amis différents. Nous aurions chacune été la tante des enfants de l’autre. Il est trop tard pour ça maintenant. Je vais grandir et pas elle. Elle est figée où elle est et je change, je veux changer. Je veux vivre. J’avais pensé que je devais vivre pour nous deux, parce qu’elle ne le pouvait pas, mais je ne peux pas vraiment vivre à sa place. Je ne peux pas savoir ce qu’elle aurait fait, de quoi elle aurait eu envie, comment elle aurait changé. Arlinghurst m’a changée, le club de lecture m’a changée, et cela aurait pu la changer différemment. Vivre à la place d’un autre n’est pas possible. »


Évidemment le fait que Morwenna soit une lectrice fanatique du genre SF contribue grandement à cet attachement viscéral que l'on peut avoir pour elle. Même si le livre se veut intimiste, forcément, c'est le journal de Morwenna, elle garde tout de même une certaine pudeur, elle ne s’épanche jamais du déchirement de la perte de sa sœur, on le ressent, par moment, sur certains paragraphes, et c'est surtout un énorme vide qui est ressenti par le lecteur. Ce vide, ce manque, ce fantôme à la périphérie de sa vie est absolument poignant et criant de vérité. La lecture de SF est pour Morwenna un point d'ancrage face à cet ouragan qui lui a fait perdre tous ces repères, la perte de sa sœur, l'arrachement à ses racines galloises. Ses lectures l'aident à se construire, à grandir et à aiguiser son sens critique, et lui permettent ainsi d'avoir un regard ouvert et tolérant sur la société, loin finalement des préoccupations des jeunes filles de son âge. Morwenna est une jeune fille très brillante, avec une pertinence dans ses réflexions faisant preuve d'une maturité bluffante.
Les nombreuses références aux ouvrages SF ne sont absolument pas rédhibitoires, cela aura je pense une portée différente selon le lectorat. Pour ma part, je n'ai lu que très peu d'ouvrages cités par Morwenna et à l'heure d'aujourd'hui cette lecture m'a donné envie de découvrir toutes ces œuvres citées, pour le lecteur assidu de SF ayant lu nombre des références citées, je crois que ce roman résonnera comme un véritable hymne à ce genre, le lecteur s'y sentira compris, il s'y identifiera à coup sûr.


Morwenna est un énorme coup de cœur, dont le livre ne demande qu'à être partagé. Merci à Jo Walton, qui signe ici un sublime roman. Tout en faisant l'apologie de la littérature science-fictive, l'auteure a su également asseoir son roman sur une très belle intrigue.



Les avis de LuneLorhkan, Gromovar, Efelle, Kissi, Antoine, Tigger Lilly, Lhisbei, Blackwolf


CITRIQ

9 commentaires:

  1. Maintenant qu'il est dans ma PàL, la question est surtout combien de temps vais-je tenir avant de le lire xD

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  2. Un excellent roman, comme tu dis par son aspect touchant et aussi par cette déclaration à la SF. Content qu'il t'ait plu.

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  3. Que dire qui n'ait pas déjà été dit ?
    Un grand livre, et on sent qu'il t'a vraiment touché.

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  4. Effectivement, on sent que cette belle histoire t'a touchée et les références SF sont juste un plaisir !

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  5. C'est vraiment un très chouette livre, assurément un coup de cœur pour cette année.

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  6. Le passage que tu cites (le second, lorsqu'elle prend conscience de sa différentiation avec sa sœur) est sûrement celui que j'aurais cité si je n'avais du en retenir qu'un seul (heureusement je n'ai pas à faire ce choix). C'est un moment extrêmement important du livre.

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    1. Jo Walton faisait mention dans une interview recente de la dimension autobiographique du livre, il ne m'a pas fallu l'interview pour le comprendre aux vues de ce paragraphe. La plus grosse torture c'est de grandir sans et avec des si.

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  7. Je comprends maintenant très bien pourquoi ce roman est culte pour toi et pourquoi tu veux aussi le partager. "Il sonne juste", c'est exactement ça. On ne peut qu'apprécier Morwenna dont la personnalité est très bien représentée.
    J'avais peur des références aux ouvrages SF, mais c'est passé comme une lettre à la poste :) J'avais peur d'y découvrir une histoire diluée dans un guide de lecture, mais pas du tout !

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